Bleckede, le 30 mars
2002
Je quitte Bleckede dans quelques heures. Une voiture viendra me chercher
pour emmener mes 80 kilos de bagages loin d'ici. Seulement, alors que
je
finis de nettoyer tant bien que mal l'"atelier" et que je donne
les
derni�res touches � la time-box, une de vos derni�res
phrases me revient en
m�moire : " Vos lassitudes & irr�solutions prouvent
en tout cas qu'il n'est
pas simple de convoquer d'autres disciplines pour briser le carcan des
"champs" litt�raires ou artistiques ".
Oui, mille fois oui. Et de repenser au film de Peter Greenaway que
je citais
dans un de mes premiers messages. " Le ventre de l'architecte "
est
l'histoire d'un �chec. Un architecte am�ricain d�barque
� Rome pour y monter
une exposition monographique consacr�e � �tienne
Louis Boull�e. La mafia
locale ruine son projet � grands coups de dessous de table et mises
en sc�ne
spectaculaires, sa femme part vivre et enfanter avec le jeune premier
de
l'histoire, l'architecte tombe gravement malade et les m�decins
ne lui
pr�disent aucun avenir, les instances lui retirent son exposition
qui
devient un stand pour parc d'attractions avec rayon laser et tubes fluos
bleut�s...
Mais le v�ritable �chec que vit Stourley Kracklite (le
nom de l'architecte
dans ce film) c'est de devoir se rendre compte, peu � peu, qu'une
exposition
� propos de Boull�e n'est pas possible. Plong� dans
les photocopies, les
reproductions, les maquettes et la sc�nographie, l'architecte se
perd et
�choue. Car Kracklite n'est pas un chercheur ou un historien, il
est un
architecte. Aux �tats-Unis, il a construit (la description qui
est faite de
son architecture semble osciller entre Louis I. Kahn (pour la g�om�trie)
et
Aldo Rossi (pour le radicalisme)) plusieurs b�timents. Kracklite
n'est donc
pas au service de Boull�e (comme le ferait un chercheur), il cherche
�
l'utiliser. L'architecte contemporain cherche � comprendre l'architecte
des
lumi�res, pour faire �voluer sa propre pens�e de
l'architecture. Cette
volont� de compr�hension, de proximit� entre les
deux hommes, passe par des
envois r�guliers de cartes postales � un destinataire mort
depuis bien
longtemps. Jusqu'� la conclusion, le destin de cette histoire est
d'�chouer,
de mal finir, de ne contenter personne et de laisser le spectateur d��u.
Voil�, rapidement, "le ventre de l'architecte". (Dois-je
encore rappeler
toutes les r�serves que j'�mets � propos de ce film
? Je pense l'avoir fait
dans mon premier message...).
Et, aujourd�hui, alors que je termine mes bagages, je pense �
cet �chec et �
votre remarque. Il est bien difficile de vouloir utiliser l'�uvre
d'un autre
dans une de ses propres cr�ations (ou alors cela ce passe �
un niveau
purement litt�ral) et c'est encore plus difficile si cette �uvre
ne rel�ve
pas du m�me champ artistique.
Encore une fois, une fa�on de m'excuser. Une voiture vient
d'arriver. Je
m'arr�te ici.
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