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Thibaut de Ruyter�: Lost in the translation.

Extraits de correspondances : Bleckede-Bargfeld-Berlin-ASLL.

N� 9

Bleckede, le 21 f�vrier 2002

Voil� deux jours que je r�ponds � mon courrier internet. Apr�s avoir rapidement effac� les messages qui me proposent de coucher avec Britney Spears et ceux qui m'annoncent que je peux renflouer mon compte en banque en deux clics de souris, je me suis occup� de toutes les v�ritables lettres qui, depuis quinze jours, s'empilaient dans ma messagerie �lectronique. Et l�, par chance, je recevais les remarques de quelques amis qui suivent notre correspondance. Ils sont nombreux (enfin le chiffre reste tr�s relatif (c'est � dire bien inf�rieur � dix...)) � se plaindre de ne pouvoir lire vos r�ponses mais, avec le temps, j'ai vraiment chang� d'opinion et je pense qu'elles ne sont pas n�cessaires. On pourrait m�me dire que cette absence entretient un flou, une certaine confusion entre journal intime et correspondance qui n'est pas pour me d�plaire. Donc continuons ainsi, m�me si j'attends toujours vos messages avec impatience. Dans les quelques �l�ments que j'ai re�u : des encouragements � supporter la lande, des remarques sur le c�t� abscons de tout cela, des questions sur la nature r�elle de mon projet, et une anecdote que je vais, ici, vous copier-coller (avec l'autorisation de son auteur, bien entendu !) :

Cher Thibaut,

j'ai eu une curieuse aventure typiquement rhizomique et irrationnelle vendredi soir. Ayant �t� voir des films ad nauseam durant la Berlinale, je d�cidai de rester seul au bureau pour explorer des forums de discussions o� se lit le basculement putride d'un certain post-situationnisme vers un debordisme �litaire et maurassien. Dans une posture d'enqu�teur, je remontai donc les archives du Forum de l'amicale des ennemis des amis de Michel Houellebecq quand je d�couvre qu'un des participants au pseudo plut�t clair (Karl Schmidt) se voit somm� d'�clairer les racines de celui-ci (les autres pseudos de la discussion sont alors J-M de Beno�t, Spengler...). Le mec r�pond ironiquement que c'est en l'honneur de Karl Kraus pour le pr�nom et Arno Schmidt pour le nom (il passe sous silence le v�ritable double de son pseudo : Carl Schmitt, l'historien r�actionnaire des ann�es 20). Bref, il met des liens sur chaque nom et quand je clique sur Arno Schmidt, je tombe sur le site de son traducteur fran�ais o� est h�berg� ton projet.

Voil� donc comment notre correspondance peut �tre d�couverte lors d'une hasardeuse navigation sur internet... Je trouve l'association, l'encha�nement de moments et de figures du XX�me si�cle plus que passionnante (comment passer de Debord � Houellebecq via Schmidt & Schmitt ?). M�me si, au final, les liens entre tous ces personnages n'ont aucune existence r�elle et que l'impression de m�lange, de n'importe quoi qui reste ne permet pas d'�tre tr�s critique sur ce "magnifique outil de communication" qu'est cens� �tre internet. Bon, tout cela pour dire, j'ai bien ri de voir que nous puissions �tre d�couverts, j'ai trouv� moins dr�le que tout cela puisse se passer au travers de personnes douteuses. Simplement, la bonne nouvelle r�side ici, nous avons quelques lecteurs r�guliers qui attendent la suite des aventures du pauvre fran�ais perdu dans la lande de Lunebourg. Ne les faisons pas attendre et continuons donc notre correspondance.

J'ai repris aujourd'hui mes relectures, avec Vaches en demi-deuil. Histoire de se remettre dans le bain. J'y ai, encore une fois, pris beaucoup de plaisir mais, aussi, �norm�ment de frustration. J'en suis arriv� � la conclusion suivante : impossible de rattacher le travail d'Arno Schmidt � mes intentions formelles. Non, vraiment, rien � faire, �a ne colle pas. Et plus, voil� quinze jours maintenant que j'ai pr�sent� le projet aux responsables de la r�sidence, et je ne sens aucun enthousiasme chez eux. Je pense donc que nous sommes arriv�s ici � un tournant de cette r�sidence, chose qui devrait se confirmer en d�but de semaine prochaine (r�union � Lunebourg). Je crois, en fait, que ma seule production tangible durant mes trois mois � Bleckede seront
les messages que je vous adresse. Rien de plus.

Je ne me sens pas une grande envie de produire des images (m�me si, hier, un arc-en-ciel venait couvrir l'Elbe alors que j'�tais sur le bac en direction de Neu Bleckede, donnant � l'op�ration un tant soit peu de po�sie � deux balles et offrant une magnifique vue de carte postale), je ne me vois pas me mettre � peindre ou � sculpter depuis le fond de cette campagne, et ce n'est pas non plus ici que je vais composer ma premi�re symphonie. Donc, sans doute, nada, nichts, rien, que dalle. Voil� le scoop du jour : je me trimballe avec un projet qui ne semble pas plaire au corps directorial de la r�sidence et une correspondance qui, finalement, ne m�ne nulle part. N'y voyez pas un coup de d�prime de ma part mais, simplement, au moment de faire quelque bilan, un certain r�alisme.

En fait, et pour tenter d'aller un peu plus loin, je pense sinc�rement que l'�uvre d'Arno Schmidt ne supporte aucun usage (� l'oppos� de celle de Thomas Bernhard ou, encore mieux, Ludwig Wittgenstein). Il est assez facile de prendre une phrase du Tractatus Logico-Philosophicus et d'en faire une �uvre d'art (regardez le travail de Joseph Kosuth ou, mieux encore, JLG JLG de Godard et le moment du film o� il utilise De la certitude...). Il y a, dans Wittgenstein, une certaine po�sie, une forme ouverte � toutes les interpr�tations. L�, un philosophe viendrait sans doute m'attaquer en disant : non, la pens�e de Wittgenstein est claire et il faut prendre les phrases dans leur contexte ! Mais, c'est un fait, il est facile de se laisser porter par une phrase comme :

248.
Je suis arriv� au tr�fonds de mes convictions.
Et, de ce mur de fondation, on pourrait presque dire qu'il est support� par toute la maison.

Je donne ici la version allemande, pour prouver qu'il ne s'agit pas d'une erreur de traduction...

248.
Ich bin auf dem Boden meiner �berzeugungen angelangt.
Und von dieser Grundmauer k�nnte man beinahe sagen, sie werde vom ganzen Haus getragen.

C'est beau comme un sujet pour l'agr�gation d'arts plastiques... Alors que, dans l'�uvre d'Arno Schmidt, je ne trouve rien qui fonctionne de la m�me fa�on. Chaque phrase est un lieu de d�chiffrements et d'amusements mais, derri�re, rien ne d�coule. Impossible de rattacher les deux moments : la correspondance et le projet "plastique"...

Je me relis et, encore une fois, j'ai le sentiment de ne pas �tre tr�s clair. Alors, j'essaie de r�sumer en une phrase : certaines �uvres d'art sont suffisamment "ouvertes" qu'elles permettent une lecture qui am�ne � la cr�ation, d'autres sont tellement "ferm�es" que rien ne vient ensuite.
Cela ne remet en rien en cause la qualit� de ces �uvres, c'est simplement leur usage qui est en question. Et donc, voil� : il est facile de faire n'importe quoi avec Ludwig Wittgenstein et il est impossible de tirer quelque chose d'Arno Schmidt. Sauf, dans les deux cas (m�me si cela peut sembler contradictoire) le plaisir de la lecture.

Je vous laisse donc, pour aujourd'hui, avec cette remarque un peu s�che mais assez repr�sentative de ma pens�e du moment. J'aimerais, encore une fois, vous lire sur ce probl�me. Vous remerciant du temps que vous me consacrez.


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