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Bernard H�pffner, Noms d'oiseaux. � propos de la "nouvelle" traduction de At-Swim-Two-Birds de Flann O'Brien.

(On peut dire sans se tromper que tout lecteur d�Arno Schmidt est forc�ment aussi un lecteur de l��crivain irlandais Flann O�Brien. Du reste, en citant le d�but de Une vie de chien dans le d�but de sa nouvelle L�Aquaroute, Schmidt lan�ait � la fois un clin d��il insistant au lecteur et rendait hommage au merveilleux & inqui�tant th�oricien de la bicyclette anthropophage. L�annonce d�une nouvelle traduction de At Swim-Two-Birds, son roman le plus innovant et le plus compliqu� au niveau de la forme et de l��criture, avait donc l�gitimement r�joui les esprits. Malheureusement, il a fallu d�chanter.

C�est ce que d�plore ici Bernard H�pffner, connu pour son flair litt�raire et ses nombreuses traductions de l�anglais & de l�am�ricain (entre autres de L�Anatomie de la m�lancolie de Burton�; son dernier travail�: une nouvelle traduction d�un bon tiers de Ulysses de Joyce pour l��dition du jubil� � para�tre le 16 juin 2004). Comme son papier a curieusement �t� refus� par la presse, nous avons d�cid� de le donner � lire ici sur notre site.)

Noms d’oiseaux

“Un roman satisfaisant doit �tre une supercherie patente”, d�clare un des narrateurs de Flann O’Brien dans At Swim-Two-Birds (1939). Et ce roman irlandais est bien dans la lign�e des grandes supercheries de la litt�rature, que l’on pense � Don Quichotte ou � Tristram Shandy. Est-ce d’ailleurs un hasard si cet Irlandais aux nombreux pseudonymes est mort un 1er avril, en 1966? Un auteur qui est encore trop peu connu en France, malgr� une premi�re traduction de ce roman, sous le titre de Kermesse irlandaise, par Henri Morisset (Gallimard, 1964), malgr� Une vie de chien, traduit par Christiane Convers (Gallimard, 1972), malgr� Le Pleure-Mis�re, traduit par Andr� Verrier et Alain Le Berre (Le Tout sur le Tout, 1984, �ditions Ombres, 1994), malgr� Le Troisi�me Policier, traduit par Patrick Reumaux (Hachette/POL, 1980, Granit, 1994), malgr� Dublinoiseries, traduit par Bernard Genies et Patrick Reumaux (J.C. Godefroy, 1983), malgr� L’Archiviste de Dublin, traduit par Patrick Reumaux (Granit, 1995), et ce n’est certainement pas la r�cente traduction de Swim-Two-Birds (Belles-Lettres, 2002) — le nom du “traducteur” nous �chappe —, ni la r��dition de Kermesse irlandaise, �puis� depuis quelque temps, qui pourront y rem�dier.

�diteurs et traducteurs manifestent donc la volont� de faire mieux conna�tre en France ce tr�s grand �crivain, particuli�rement les traducteurs, car ces “supercheries” sont extr�mement difficiles � rendre en fran�ais — Patrick Reumaux s’en �tait particuli�rement bien tir�, car, tel les Irlandais du Troisi�me Policier, moiti� humains moiti� bicyclettes, il doit �tre pour le moins � moiti� o’briennesque, � moiti� na goCopaleenois et � moiti� o’nolanien. Quant � la grande œuvre de O’Brien, son premier roman, At Swim-Two-Birds, ce roman qui est en partie la traduction d’un texte fondamental de la litt�rature irlandaise, Les Errances de Sweeney, un conte celtique du XIIe si�cle, ce roman appr�ci� par Joyce, ce roman fondateur d’une partie de la litt�rature am�ricaine (surtout Mulligan Stew de Gilbert Sorrentino) car s’il n’est pas le premier roman en abyme (n’oublions pas, entre autres, Le Manuscrit trouv� � Saragosse de Potocki) il est un des premiers romans dans lesquels les personnages se r�voltent et d�sob�issent � leur auteur; or voil� que ce livre avait d�j� �t� traduit de fa�on assez plate, sans la verve, sans l’invention, sans le nonsense, sans les phrases �bouriffantes, sans les coupures de style de Flann O’Brien — mais nous �tions en 1964. Puis sort aux Belles-Lettres cette nouvelle traduction, � premi�re vue tout aussi plate que la premi�re.

Et pourtant, dans la Quinzaine litt�raire, Claude Fierobe parle d’une “belle traduction”, et pourtant le Monde des Livres en a fait �galement l’�loge. C’est cependant tout sauf une “belle traduction”, m�me pas une “belle infid�le”. Faute d’avoir pu, en fin de compte, retrouver la verve et l’invention de Flann O’Brien dans la nouvelle traduction, sentant �galement, comme un parfum de d�j�-vu, une comparaison avec l’ancienne traduction d’Henri Morisset s’imposait — en quarante ans, pouvions-nous esp�rer un progr�s…?

Non! C’est la m�me traduction, � peu de choses pr�s — et pourtant nulle part sur le livre, il n’est mentionn� qu’il ne s’agit que d’une traduction revue, corrig�e, “amend�e”, modernis�e, mise au go�t du jour; nulle part, il n’est indiqu� que ce livre avait d�j� �t� traduit et publi�. On peut alors paraphraser le sous-titre de l’article de la Quinzaine: “Une traduction satisfaisante doit �tre une supercherie patente”. Flann O’Brien aurait sans doute appr�ci�, encore aurait-il fallu qu’il soit du bon c�t� de la plaisanterie. Car ce n’est pas l� une traduction, � peine un exercice de copie avec quelques transformations ici ou l�, quelques “mises � jour”, quelques �pith�tes chang�es, souvenir lointain de nos laborieuses versions latines � l’�cole; transformations de plus en plus rares � mesure que l’on avance dans le livre. Deux exemples suffiront:

Page 17 de la Kermesse irlandaise et page 18 de Swim-Two-Birds, on trouve une liste d’oiseaux — la musique que Finn Mac Cool aime entendre —, � quelques exceptions pr�s, ces oiseaux n’existent pas et ils sont qualifi�s par des adjectifs fantaisistes; le texte original de Flann O’Brien contient 27 noms d’oiseau, celui de Morisset 24, et celui de la nouvelle traduction 23; les 23 noms d’oiseau “traduits” sont les m�mes que ceux de Morisset. On trouvera d’abord l’oiseau de Flann O’Brien, puis celui de Morisset, puis celui de la “traduction” des Belles-Lettres (les anglophones verront en outre � quel point l’appauvrissement est total):

pilibeen: pilibeen / pilibeen — red-necked chough: choucas au col incarnat /choucas au col rouge — parsnip land-rail: r�le des gen�ts / r�le des gen�ts — pilibeen m�na: pilibeen mona / pilibeen m�na — bottle-tailed tit: m�sange � longue queue / m�sange � longue queue — common marsh-coot: foulque des marais / foulque — speckle-toed guillemot: guillemot aux pattes tachet�es — guillemot aux pattes tachet�es — pilibeen sl�ibhe: pilibeen sl�ibhe / pilibeen sl�ibhe — Mohar gannet: fou de Bassan / fou de bassan — peregrine plough-gull: p�lerin / p�lerin — long-eared bush-owl: hibou moyen duc / hibou moyen duc — Wicklow small-fowl: oiselets du Wicklow / passereaux du Wicklow — bevil-beaked chough: crave au bec courb� / crave — hooded tit (pas traduit) — pilibeen uisce: pilibeen uisce / pilibeen uisce — common corby: corbeau ordinaire / corbeau commun — fish-tailed mud-piper (pas traduit) — cr�iskeen lawn (pas traduit) — carrion sea-cock: coq de mer vorace / coq de mer f�roce — green-lidded parakeet: perruche aux paupi�res vertes — perruche aux paupi�res vertes — brown bog-martin: martinet des marais au brun plumage / martinet brun — maritime wren: roitelet marin (oubli� dans Belles-Lettres) — dove-tailed wheatcrake: r�le des bl�s � queue d’aronde / r�le des bl�s � queue d’aronde — beaded daw: choucas des clochers / choucas des clochers — Galway hill-bantam: coq nain de Galway / coq nain de Galway — pilibeen cathrach: pilibeen cathrach / pilibeen cathrach.

Le second exemple montre � quel point le travail de copia s’am�liore � mesure que l’on avance dans le roman, il s’agit du dernier paragraphe. Voici donc le m�me extrait dans les deux traductions (respectivement, pages 266 & 297):

Morisset: Ultime conclusion du livre: Le Mal est pair, La V�rit� s’exprime par un nombre impair, et la mort est le point final. Quand un chien aboie au cœur de la nuit puis retourne � sa niche, il ponctue l’�nigme successive de la nuit, lui conf�re comme une majest� et l’imprime plus puissamment et plus uniform�ment sur la trame de notre esprit. Sweeny tapi dans ses arbres, masse confuse entre ciel et terre, �coute le sinistre hurlement et il per�oit aussi la r�ponse du m�tin, qui, dans la paroisse voisine, compte les veilles de la nuit.

Belles-Lettres: Ultime conclusion du livre: Le Mal est pair, la V�rit� s’exprime par un nombre impair, et la mort est le point final. Quand un chien aboie au cœur de la nuit puis retourne � sa niche, il ponctue l’�nigme de la nuit, lui conf�re comme une majest� et l’imprime plus puissamment sur la trame de notre esprit. Sweeny tapi dans ses arbres, masse confuse entre ciel et terre, �coute le sinistre hurlement et il per�oit aussi la r�ponse du chien, qui, dans la paroisse voisine, compte les veilles de la nuit.

Restons-en l� — et s’il n’y avait pas eu de copillage? Si le traducteur �tait un second Pierre Mesnard?

Malheureusement, la plaisanterie ne fait pas rire, c’est le lecteur qui est l�s�, sans doute les �diteurs le sont-ils aussi, Flann O’Brien certainement. Quand les critiques cesseront-ils de qualifier de “belle traduction” un texte qui, pour eux, n’est sans doute que du bon fran�ais et qui, peut-�tre, n’a rien � voir avec l’original; une traduction ne peut-�tre jug�e qu’� partir du texte original. Quand les Fran�ais auront-ils droit � une v�ritable traduction de At Swim-Two-Birds?

Bernard H�pffner

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