Grabi contemple le ciel bleu royal par-delà les immeubles (vilains) ; se balade, flâne, essaie tout de même, voir un peu, s’il n’y aurait pas quand même moyen d’aller lire quelques pages de Maurice Scève dans l’une ou l’autre bibliothèque. Sans doute que non. Tant pis, on se dépêche, on a rendez-vous avec ce type qui vous fait peur avec ses Ah ! Ah ! Jahnn. Cette fois-ci, au moins, il a étudié sa leçon. M’étais même acheté un lutrin, pensez ! Lawrence, couché dans le gazon d’un quelconque parc de la même quelconque ville avec 3 litres de mauvaise piquette allemande dans le bide, se souvient de son voyage de ressouvenances nostalgiques, programmé depuis longue date – dès avant le départ pour l’atoll donc. Il se souvient avoir revu sa magnifique maison. A Corfou. Dans un car. De touristes allemands. Et d’ici vous pouvez contempler la maison d’un célèbre écrivain irlandais. Remarquez la vue plongeante sur la plage. Les touristes ? S’en fichent, n’attendent que la pause pipi et le prochain village où, paraît-il, on fait d’excellentes pâtisseries. Oui, ma meilleure maison, ça. Quoique, aujourd’hui, je prendrais le nord de l’île, mm, Roda peut-être. Y’a personne, coûte rien, on a pied dans la flotte jusqu’à cent mètres et on voit les montagnes d’Albanie. Merde ! L’autre Hongrois dément ! Se dépêcher donc. Miklos, fils d’un peuple étrange, occupe un des fauteuils en osier d’un hôtel luxueux : il est sur un coup. Une tapée qui se fait inscrire partout comme <comtesse d’Ohio>. Viendra pas. De toute façon, y’a les deux autres. ATTENTION : Miklos a une extase : il est dans un château, en Prusse. Le vieux comte lui avoue passer une grande partie des ses matinées à buter du bolchevik (en carton) avec son canon miniature qui tire des boulets en mousse. Le problème, explique-t-il à Miklos, c’est que, après ses pilules, il n’a pu envie, comme dirait sa fille Martina, qui d’ailleurs lui cause de grands soucis. On l’aura compris, Miklos a le cerveau qui tourne vite. Qu’on se figure, en l’espace de quelques minutes : il opère une démarche imaginaire de séduction auprès de la comtesse d’Ohio, discute avec le Prussien gâteux, établit toutes sortes de nouvelles théories sur les causes et effets du teint mat des femmes hongroises, prie dans une église orthodoxe au 6e siècle, s’entretient du problème moral de la perspective avec André Roublev, etc. Il est temps de se diriger vers la taverne où, comme s’en doutera le lecteur perspicace, il a rendez-vous avec les deux autres.

(Un peu plus tard)

 

MIKLOS (se lève, grimpe sur la table) : " A nouveau réunis, nous voici ! Pour célébrer le livre d’Arneaux le Forgeron à la gloire d’une Artémis luxembourgeoise d’à peine 20 printemps, nous voici ! Réjouissez-vous, mes amis ! Et que les dieux délient notre langue – Tss ! Rassure-toi ; sera pas long cette fois-ci ! – à l’aide d’un breuvage hydromélique ! "

LO (Affalé) : " Ouips ! On cofmmandpte ! Tu prends quoi, Grabi ? "

GRABI : " Un verre d’eau, ce sera bien "

LO : "  Tu vas rouiller ! L’eau, c’est fait pour s’laver, petit ! Soit. Hep ! Aubergiste ! Euh... Vous nous mettrez deux demis et un verre d’eau pour le p’tit. T’endez ! On se comprend bien, hein ? Des demis, ce sont des demi-litres, hein ? Bon, parfait. "

MIKLOS : " Vous m’énervez déjà, vous ! " (Se penche vers ses deux vis-à-vis (Il trône sur la banquette ; les autres sur des chaises) : " Vous savez pourquoi nous sommes ici, s’pas ? <Soir bordé d’Or>, mm ? Examiné par nous autres et nos intelligences perspicaces, mm ? ‘ttention, 22, v’là Powys ! Non, je plaisante.... Z’avez eu peur ? Aaaaaaaah, il a pourtant promis qu’il viendrait pour certains passages...  Personnellement, malgré ma charité légendaire, j’aurai vraisemblablement des difficultés avec celui-là. " (Déçu qu’ils ne comprennent pas :) : " Ben : deux exhibitionnistes du verbe (et de leur propre psyché) ensemble, ça ne va jamais !   Enfin, on verra bien. "

LO : " Quoi ! On va devoir se farcir les mille pages de ce truc... Et Friar John le barde animiste en plus ! N’ai jamais compris comment Miller... Bah, tant qu’à faire ! De toute façon, on s’emmerde là-haut... Dites : comment ça va chez nous au fait ? Toujours en cuisine l’autre ? "

GRABI : " Claudel ? Plus que jamais dans la choucroute ! Corvée de vaisselle depuis qu’il a traité Saint Paul d’hérétique. Et avec ça, lui et Bloy ont enfermé d’Aubigné dans les cabinets. "

MIKLOS (s’esclaffe) : " Ho, dis ! Lo ! T’as pas la meilleure ! Grabi qu’a chipé la trompette d’un des anges musiciens ! Et de gambader comme ça, turututu, entre les tables, à imiter son Gillespie avec ses grosses joues, et Tertullien qu’en a pissé dans son froc tellement qu’il n’en pouvait mais. "

LO : " Eh ben, eh ben ! Je vois qu’on sait toujours s’amuser là-haut... Autre chose : j’ai entendu dire qu’on parlait beaucoup de restructuration ces derniers temps. On pense à bannir les Meslier, Schmidt, Piron et autres parce qu’ils refusent la camaraderie ! "

GRABI : " La camaraderie ? Tiens... c’est vrai que je n’ai pas vu une seule fois Arneaux à la cantine depuis qu’il est parmi nous. Lui ai même jamais adressé la parole, à Schmidt ! " (Angoissé/curieux :) " Et vous ? "

(LO & MIKLOS : haussement d’épaules.)

MIKLOS : " Bon, allez !Hop, Hop ! Son   livre ! Le meilleur, soit dit en passant... Dans le genre long en tout cas.... Le plus maîtrisé certainement...  Une quelconque remarque à faire touchant l’ensemble, le style, la structure OU AUTRE CHOSE ENCORE ? "

GRABI (excité comme une puce) : " Oui ! J’arrive pas à le lire à voix haute ! "

LO (coup d’oeil à Miklos : " Puis-je ? ". C’est bon, vas-y.) : " Arno Schmidt... Non ! Différemment : après avoir, avec toute la meilleure volonté dont je suis capable, essayé de lire à voix haute Jack Kerouac – même avec un pouilleux accent américain – je me suis aperçu que c’était réellement de la merde... Pourquoi ? Parce que c’est REELLEMENT du style oral ! "

GRABI : " Mais... Et Céline ? "

MIKLOS : " Céline ? Un maniériste ! Aussi Jean de Sponde que moi    Richard Crashaw ! ............ (T’as qu’à lire l’encadré !)....... Voilà ce qu’il dit ! Et pensez que ça ne concerne que le voyage ! Que dire de <Féerie pour une autre fois>  ou <Guignol’s Band> !"

GRABI : " Mais, Raymond Queneau... "

<On a tout dit quand on a proclamé que j’ai moi AUSSI (comme les Américains, évidemment !) écrit des livres en langage parlé. Tout le secret ! Archi-benêts ! Il s’agit de tout autre chose : d’un langage rythmé interne sans défaillance sur 603 pages ! Allez-y ! Essayez !> Destouches, Op.cit. ailleurs (Oui : faut toujours demander Roger à Meudon)

LO : (" Mon pauvre petit ") : " A avoué lui-même qu’il s’était tout à fait fourvoyé ! Langue morte que c’est en fait, les bons livres ! "

MIKLOS (et que je te relève le niveau) : " Quand, dans la cour de récréation, un prosateur essaie de faire comprendre à ses semblables que la prose est susceptible de traitements tout aussi intéressants et profitables que la poéééésie, les poéétes ricanent sur le banc et les autres continuent à jouer au football. Et quoiqu’ils ne soient pas nombreux à avoir essayé, ces prosateurs sont des " goujats ", des " malotrus ", des " pour qui se prend-il "... Seule la poésie connaît le rythme, disent-ils... "

LO (moi aussi, je l’ai, le niveau !) : " Or, à moins de n’avoir jamais rien entendu aux lettres, je n’y ai jamais vu que des cadences, dans la poésie. Du rythme ? Jamais de la vie ! "

MIKLOS (hum ! On doit pas parler du même niveau...) : " Outre le fait que la poésie ne connaît pas le rythme, c’est du grotesque le plus sauvage quand un poète dit vouloir rivaliser avec la musique ! Pas d’amplitude, pas de timbre, tout récité de la même voix monocorde et pontifiante. Dans <Soir bordé d’Or> – ( De quel niveau parlons-nous ? : " et dans d’autres exemples en prose que je vous laisserai chercher vous-même ") – nous avons le timbre, l’amplitude et le rythme ! "

GRABI (parlez de niveau, vous autres farceurs... ) : " Mais le rythme est une notion sémantique qui précède le signe linguistique nom de Dieu c’est pour ça que je n’en mets pas moi de ponctuation que ça précède le signe linguistique que j’en ai lu chez Benvenuto Ebéniste. "

MIKLOS : " Peut-être. Pas pour Schmydt en tout cas. Enfin : le problème est délicaaat, méritait qu’on le soulevât, – il nous en remerciera – mais trop compliqué pour moaa... " <A vrai dire, je serais bien embarrassé de vous citer, dans l’histoire de l’art, un seul fait qui soit qualifié de révolutionnaire.> Ivo Straffwhiskey

GRABI & LO (colères : " Qu’est-ce à dire ? Nos propres livres sont-ils mauvais ?) : " ! ; ! ! ; je dirais même plus Lo : ! ! ! Nous attendons des explications, Miklos ! "

MIKLOS (serein) : " Je dirai deux choses : 1) les bons prosateurs sont très rares – plus que les bons poètes ; 2) le rythme est incrusté dans la tapisserie de <Soir bordé d’Or>, de sorte que nous pouvons, pour une fois, considérer objectivement – et je suis lassé des métaphores sur la " petite musique " des livres de celui-ci ou celle-là – que cette farce/féerie présente des registres et des tons que le lecteur peut typographiquement déceler. Dès lors, il n’est pas impossible de lire ce texte à voix haute, mais il y faudrait un ventriloque également capable de travailler sur les mimiques & autres froncements de sourcils. Bien. Inutile de nous appesantir plus longuement sur le reste. Le livre, son format, sa période de rédaction : laissons, vous connaissez cela... "

GRABI : " Allons-nous donc indubitablement violer dame Folie et vouloir trouver ici une cohérence historique et une grande composition POETIQUE ? "

LO : " Nous allons essayer... Bah, tant qu’il y a de la farce et de féerie... Termine ton eau, toi ! "

MIKLOS : " Ainsi donc nous voici à nouveau réunis ! -------- "

L’AUBERGISTE : " S’il vous plaît, monsieur. C’est ici un établissement respectable... "

MIKLOS : " Comment ? J’ai dû mal entendre... A moi, Miklos de Budapest, on ose me dire que je crie dans les tavernes ? Eh bien vous avez raison, mon chauve ! Messieurs, levons le camp ! " (A l’aubergiste : " serviteur ! ") " Retrouvez-moi demain matin à Renipont plage et nous ferons ensemble connaissance avec la petite aux jambes en X ! "

                                                                *                                 *

                                                                                  *

Une route pavée en pente. Les deux bonshommes sont assis dessus.En bas, on entend des piaillements et des éclaboussures Un champ. A 50 m, le Carmel du coin ; à 150, la maison des parents de TOBY, qui jouxte la villa louée par nos défunts. Un moulin à vent
LO (short kali, torse nu):"Comme c’est intelligent " 

MIKLOS (pantalon écossais, polo rose ; confus) : " J’ai pensé que ça nous mettrait dans le <bain>, si je puis dire… Vous n’aimez peut-être que ? "

LO : " Tout à fait : les lacs, étangs et autres mares aux canards, c’est juste bon pour les... Huns, tiens ! "

MIKLOS : " Pour l’appel du grand large, vous repasserez ! ! --- ? ? : ah ! Le voilà ! "

LO : " Et en vélo ! Chargé comme une mule avec ça ! "

MIKLOS : " Eh ben, mon vieux ? On a fait pipi au lit ?   Et, mais qu’est-ce que ? Votre genou là, en sang !"

GRABI (un tout petit short, un polo, des sandalettes en

 

MARTINA : " Je venais vous prier, Seigneur, de nous laisser Ann’Ev' pour quelque temps ; mais j’augure que vous y consentez, et qu’il est inutile que je vous en parle. "

A&O (d’un ton inquiet) " Vous souhaitez donc qu’elle reste, Martina ? "

MARTINA : " Je vous avoue que j’aurais été très fâchée qu’elle partît, et que rien ne saurait me faire tant de plaisir que son séjour ici ; on ne saurait la connaître sans l’estimer, et l’amitié suit aisément l’estime. "

A&O : " J’ignorais que vous fussiez déjà si charmées l’une de l’autre. "

MARTINA : " C’est que, nos entretiens, en effet, n’ont pas été fréquents. "

SbO <<ce qui précède l’après-midi de la première journée>>

(hanté par personne depuis 50 ans). Miel, qui a peur de se salir, debout ; adossée au mur. L’autre, vautrée dans l’herbe.

TOBY (Son petit nez se retrousse quand elle rit) : " Alooors c’est un qui est amnésique qui va au Ciel puis c’est saint Pierre qui l’accueille et l’autre qui dit m’sieur Saint Pierre je suis embêté je sais pas si vous allez me trouver dans vot’ regist’ pass’que j’suis amnésique et l’autre qui lui sort Aaaah ça monsieur est amnésique dites on va chercher ensemble z’étiez manuel ou intellectuel sur terre ma foi m’sieur Saint Pierre je sais plus trop mais ch’crois qu’ça d’vait êt’ manuel alors l’autre saint qui lui fait Aaaah mais c’est très bien ça il n’y a pas de hont’ moi aussi d’ailleurs mais c’est une aut’ histoire donc vous Ah ‘tendez monsieur le Saint je crois que j’étais charpentier alooors le saint qui a ses lèvres de saint qui commencent à trembloter et qui dit mon Dieu mon Dieu et il lui demande s’il avait des enfants sur terre et miracle oui il en avait même qu’il croit se rappeler que son fils était célèbre alooors saint Pierre qui fait Jésus viens voir ici je crois qu’on l’a retrouvé et tout ça avec des larmes tout plein et Jésus qui arrive et qui se met à chialer et qui fait à l’amnésique Papa papa qu’il lui dit et l’autre qui se met aussi à faire sa fontaine et qui lui rétork’ Pinocchio mon fils... Ben, tu ris pas ? ------- T’as raison : c’est une blague de mon père... "

MIEL : " C’est curieux . Tu leur ressembles pas du tout ! "

TOBY (Son petit nez qui se retrousse) : " Normal ! C’est pas mes parents. J’ai été enlevée par des bohémiens --------

plastique <pour aller dans l’eau>, un tuba, une serviette <P.-A. Grabi>, un filet à papillons, deux raquettes en bois, et autres ustensiles balnéaires) : " Ce n’est rien... Voulais suivre un petit écureuil... Les ronces n’ont pas apprécié, que voulez-vous que je vous dise ! " (Pensif ) : " On m’avait pourtant dit de retenir ma respiration..., ou alors ça c’était pour les orties ? Je ne sais plus. "

MIKLOS (Debout, les mains sur les hanches, du haut de ses deux mètres): " Le rat des villes que vous faites ! "

LO (" Ça me va bien de dire ça ? ") : " Grabi, êtes-vous donc positivement dans un état de récréation permanente ? "

GRABI : " Je pensais qu’on aurait pu et puis c’est de la faute de l’autre Hongrois d’abord pourquoi il a fallu qu’il nous scie les côtes de grand matin avec un examen exhaustif de la psyché de Jean Gerson " (Pause. Soupir) : " Est-ce que ce n’était déjà pas suffisant de devoir réfléchir l’après-midi et puis quoi voilà qu’il est déjà 16h00 et on s’est pas encore amusé moi je vais vous dire deux choses un je suis un poète et je réfléchis sur l’oeuvre des autres quand ça me chante déjà que c’est pas ma spécialité et deux je rentre à la villa demander à la petite voisine si ça lui dit un ping-pong "

MIKLOS : " C’est ça ! Remontez sur votre bécane. Et profitez en pour ranger les crasses d’hier soir... Pour ranger, vous pouvez même mettre les <Troyens à Carthage> si ça vous "chante " ! ! ! ----- mais c’est qu’il est déjà parti ce con ! Bon. Au boulot, l’îlien ! "

Oh, ils m’ont lâchée à la condition que mes parents adoptifs continuent de m’appeler <Toby> --- ----- Pq ?<Pour leur montrer qu’il n’y a pas que les garçons qui peuvent grimper aux arbres> -?- Non, je ne sais pas. Bon… de toute façon, <Anne> était un nom de garçon avant, non? ---- Non, ça ne me dérange pas. Et toi ? --------- ! ! ! Alleeez ! "

MIEL (rougit) : " Euh... je te le dirai peut-être un jour. ----------Bon allez ce soir ! ---------Et tu t’entends bien avec eux ? "

TOBY : " Penses-tu ! ma <mère> est du genre à donner du <Monsieur le curé> au juge d’instruction qui lui a enlevé la garde des moutards de son premier mariage...D’une bêtise attristante, cette femelle ! Quand elle a bu un bon coup – ce qui lui arrive plus souvent qu’à son tour – elle lui téléphone, au juge, pour le menacer de se crever un oeil avec des ciseaux s’il lui rend pas ses gosses. ----- Ooh, après : elle se calme et hiberne pendant deux-trois jours... "

<Plût à Dieu qu’un chacun sût aussi certainement sa genealogie, depuis l’arche de Noë jusques à cet âge. Je pense que plusieurs sont aujourd’hui, rois, ducs, princes, et papes, en la terre, lesquels sont descendus de quelques porteurs de rogatons et de coustrets. Comme au rebours plusieurs sont gueux de l’hostiaire, souffreteux, & misérables, lesquels sont descendus de sang & ligne de grands rois et empereurs : attendu l’admirable transport des regnes & empires : des Assyriens es Medes, des Medes es Perses, des Perese es Macedones, des Macedones es Romains, des Romains es Grecs, des Grecs es Françoys. et pour vous donner à entendre de moi qui parle, je cuide que sois descendu de quelque riche roi ou prince on temps jadis. car onques ne vîtes homme qui eût plus grande affection d’être roi et riche que moi : afin de faire grand chere : & pas ne travailler, et bien enrichir mes amis & tous gens de bien et de savoir. Mais en ce je me réconforte que en l’autre monde je le serai : voire plus grand que de présent ne l’oserais souhaiter. Vous en telle ou meilleure pensée réconforterz votre malheur, & beuvez frais, si faire ce peut.> <De la genealogie & Antiquité de Gargantua>.
LO : " Comme tu dis. Aaaah, faisait sacrément chaud pour un mois d’octobre, non ? "

MIKLOS (sueurs froides) : " Tu parles ! 24 ! Puisqu’on y est à parler des deux gamines..., tu te sens pas un peu visé toi, des fois ? – oui, tiens : <seigneurs de la pantoufle>, <vieux sous-développés jouisseurs>, <turning bad dispositions into worser habits>.... ? ? ? "

LO ( " Parle pour toi ! ") : " <Sleep, Sin & Old Age>, ça te concerne, l’ami ! "

MIKLOS : " Jamais ! J’ai eu de jolies femmes dans ma vie ; vous aussi. Votre première, c’était quelque chose ! "

LO : " Merci pour les suivantes ! " (Air doctoral ) :          " Dès la première page de ce livre, des thèmes       importants se dégagent, notamment celui de la lubricité galopant à la même vitesse que la vieillesse. Je peux pas jurer pour madame Schmidt, l’ai jamais vue,                   mais c’est sûr que si j’avais eu à mes côtés un laideron comme Nora Barnacle... " (Pause. Résumé) : " Et bien, de toute façon, un vent de lubricité plane sur ce premier tableau. "

MIKLOS : " Ah ! Les petites fesses bronzées, les vieilles en maillot fendu jusqu’au clitoris... Cessez, monsieur ! Je n’en puis plus ! ------- Donc : les petites se promènent, on apprend que la plus jeune VIT avec (au moins) deux vieux CONS et une belle-mère qu’on enverrait bien du côté de la Croix du Sud.... "

LO : " Oui ! Et admirez la manière dont est amené le troisième mouzieu ! "

MIKLOS (éclats de rire qui blessent les petits enfants qui pataugent dans la mare) : " Tu l’as dit ! Si ça c’est pas se présenter sous un jour favorable ! "

LO : " Oui, ils en prennent tous pour leur Hackländer dans ce livre, sauf lui ! Même la petite Martina : jambes grassouillettes en X – et malgré les conseils du Major, sûr qu’elle est en situation d’<échec scolaire> !  Dommage qu’il soit si vieux qu’elle dit..."

MIKLOS : " Pas grave ! Elle l’a jeune : Martin & Nicolette… J’ai beaucoup de sympathie pour                  cette   petite - l'anti-érotisme en personne, soit                    dit en passant. Quant à ses études, il faut dire que son   personnage tient bien dans ce genre                          <propos rusti-ques>, mais serait invraisemblable ailleurs. 

MIEL : " Ton beau-père, il a quand même une instruction certaine, non ? "

TOBY (rouge) : " Oh çoui-là ! Se croit intelligent parce qu’il comprend les règles du cricket à la TV ! Il a pas son bac : ‘Je suis un autodidak’ moi mademoiselle oui parfaitement comme Arno Schmidt !’. ---- L’est comptable chez <Trois Suisses>... Il a de temps en temps la folie des grandeurs... ?------- Ben, par exemple, sa dernière trouvaille : il réclame 10 millions à l’État pour l’avoir fait naître en général, et 5 millions au ministère de l’Éducation nationale en particulier parce qu’ils lui ont appris à lire et à écrire, et que, depuis qu’il sait lire et écrire, il a des dettes ! 15 millions, en fait. Tu dois voir les lettres euphorbiacées qu’il met à la boîte ! Et que : ‘Monsieur le Ministre, si vous ne pouvez officialement (pour la signification seconde et scabreuse, vous irez voir chez Rabelais !) satisfaire à ma requête, je vous prierais de m’euthanasier !’ Signé : André Bouchon. "

MIEL (pensive) : " C’est sûr que ça leur coûtera moins cher... Euh, pardon ! Ça m’a échappé ! "

TOBY : " Y’a pas de mal ! Il est juste pathétique, tout comme les lascars qui louent chaque année ici à côté ! "

MIEL : " Au fait, mon père aussi lit ce Arno Schmidt ! Marrant, hein ? Il y a trouvé une idée du ‘meilleur roman policier de tous les temps passés et à venir’. Il va s’y mettre cet hiver. Le titre : <Lieu de naissance : Nazareth>. Le coup de la porte qui ne s’ouvrait que de l’intérieur ! On a tout : le meurtrier qui n’est autre que la petite victime elle-même, un traître qui finit mal (pour faire pleurer les dames). L’enquêteur sera Ponce Pilate, qui aura entre-temps appris à marcher sur l’eau (pour les besoins de l’enquête). --------- Oh, il s’appellera Petrus-Pontius Pilotis ! ------------ Dis, est-ce que ceux qui louent la villa  pourraient être plus débiles que nos pères ? "

TOBY : " Et comment ! Je supporte ces dirty old men depuis bien trop longtemps. Le pire c’est Miklos ! Pppffff ! Faut l’entendre, çoui-là. ‘Ali Miklos et les quarante maîtresses’... Tss. "

MIEL (vaguement intéressée) : " Un bel homme... ? "

TOBY : " Mon cul, oui ! Deux mètres de haut, le voïvode des B.R. ------ Ben, Bordels Réunis ! Et avec ça, il n’a plus de dents ! Quoique... Je les ai déjà entendus : le Miklos, il paraît qu’il en a une de 28 cm ! Rien que pour ça, il est pardonné à moitié, non ? "

MIEL (" détrompe-toi, petite fille ! ", attendrie) : " Tu as déjà connu un garçon ? --------- Non ?"

Pourquoi ? Trouves-tu normal d’avoir des frayeurs certaines en histoire et en chimie alors qu’on... " <Cette belle écolière sera-t-elle plus constante que l’autre qui (je ne l’en blâmerai pas) s’est déjà lassée de la théologie et du giron des bonnes soeurs ?>

Michel Leiris, <Frêle bruit>.

TOBY (confuse :) " C’est comique : tu parles comme la Bib’ de Yéroushalaïm ! " -------- (Rougit :) " Non, mais... "

MIEL : " Tu n’as pas appris des choses dans ton cours d’’éducation sexuelle’ ? ? Ben, par exemple, que ton conduit vaginal fait – à tout casser, dans les 8-9 cm ? Ah, alors... Si tu

LO : " Evidemment-évidemment. Remarque, le fait qu’une des petites copines de classe affirme que <des faits vieux de deux mille ans font injure à son charme juvénile> en rencontres un qui en a une comme ça, le mot d’ordre est : la fuite avant tout ! "

TOBY (étonnée :) " Oh ! " (Câline :) " Dis, tu me raconteras

est la réplique moderne et féminisée de l’attitude que mon ami Henry a adoptée toute sa vie. " (À part lui) " Heureusement que je l’ai légèrement éduqué, celui-ci !"

MIKLOS : " M-m. Quant à l’autre pythie, ON nous apprend qu’elle est qu’elle est cardiaque et ELLE affirme être une déesse... Ce symbolisme à trois francs est tout ce qu’il y a de repoussant ; non, ce qu’il y a de réellement intéressant sont les petites interférences temporelles qui font qu’on ne sait jamais si la petite anti-érotique aime Martin ou celui qui 

<Dites que les enfants ont mal aux yeux ; que Miss Betty ne veut pas ouvrir son livre. Faites lire aux deux demoiselles des historiettes françaises et anglaises, et des romans d’amour français, ainsi que toutes les comédies écrites sous Charles II et le Roi Guillaume, pour adoucir leur nature, et leur donner le coeur tendre.>

Swift, <Instructions à l’institutrice>

toi comment ça va avec TES garçons ? Non ? Un peu, alleez ! Même pas un tout petit rikiki de rien du tout ? " -------- (Boudeuse :) " En tout cas, l’autre Attila, il en est fier de son ‘Gaspard’. " (Gaspard ? ? ? Ndlr) " Tout ce que je peux te dire, c’est qu’il raconte rien que des bêtises du matin au soir ! Tiens : ce matin ! Je les entendais de mon lit. Il te disait à Lawrence que ‘vous savez sans doute, misérable Hellas, que le théologien protestant tient le catholique en peu d’estime... Mais, cher ami, avez-vous songé à ce que peut penser un orthodoxe averti – et je n’ai pas besoin de vous rappeler que Syméon le Nouveau Théologien comme Grégoire Palamas ou Jean Damascène n’ont plus de secrets pour moi ! – de toute la clique réunie de l’Église d’Occident ? Non ? De vulgaires amateurs, voilà ce que nous sommes ! Car – combien de fois me faudra-t-il vous le répéter ? – vous n’êtes pas sans savoir que le message originel du Christ est essentiellement grec ; j’ajouterais volontiers que toute
voit mal ; et on peut en dire de même de celui qui voit mal : Martina ou Ann’Ev’ ? la gamine commune ou la pythie qui (nous) fait bâiller d’ennui ? Tss ! Taisez-vous, je sais ce que vous allez dire ! Il est indubitable qu’en tant qu’admirateur inconditionnel de Goethe et des beaux vêtements, je suis hostile à... Enfin, me voyez-vous tomber sous le charme d’une souillon porte-cheveux d’une bande de hippies amonduulesques ? "

LO : " Vos préférences vont à des Louise Brooks perverses ? "

MIKLOS : " Je n’ai pas à te dévoiler mes préférences, l’îlien ! Qu’on me permette encore une fois de citer un de mes textes de jeunesse !

que toute théologie ne peut se concevoir que sur le mode grec. Jean Gerson en a-t-il eu l’intuition profonde ? J’incline – et ici, j’avance des idées métaphysiquement audacieuses qu’aucun Lucien Fèbvre ne pourrait concevoir – un historien dont les <ouvrages> d’une inintelligence et d’un baroque grotesquement chaplinesque me font, et je le soutiendrai jusqu’au bout, mourir d’ennui – à penser que OUI. Pouvons nous gersonner Jean Gerson ? Toute la question est là, mes amis !’ Etc, etc. "

MIEL : " Mais toutes les plaies d’Égypte ensemble sont des fléaux pour nains à côté de ce type ! D’après ce que tu m’en dis... "

TOBY : " Oooh, mais Attila se croit d’une ‘compagnie, ma foi, fort délectable’, et d’un ‘baroquisme érotiquement et

L’opposition entre la mondanité et le naturel à la puissance mythique est l’une des plus honteuses bévues de l’esprit. Lorsque le vendeur de mythes qui se donne parfois le nom d’Arno Orphique se moque du jeune mondain (moi, en l’occurrence) qui rentre chez lui en courant après avoir déjeuné au restaurant, pour nouer de la soie bleu marine d’après-midi (< tenue habillée >) à la place de la matinale cravate écossaise sport, il a trouvé là un très mauvais sujet de plaisanterie. Celui qui a le besoin <Aux jeunes et aux vieux qui recherchent dans la femme une compréhension avide, un lyrisme susceptible de leur faire entrevoir les secrets végétatifs de la nature, je ne puis que délivrer ce conseil d’importance :fuyez les regards profonds, les silences ardents, les évanouissements chtoniens et autres transes du même genre – car la belle qui se livre à de tels excès se verra toujours guettée par l’apathie subite, la léthargie inopinée et la grisaille insolente de l’indifférence ! Toute chose profondément vitale est stérile, tout geste typiquement végétatif frôle l’impuissance ignorante et le non-vouloir idiot>, Miklos <<Quelques pensées touchant A&O>> gongoresquement irrésistible’. Sans compter que ‘Mikki’ – comme l’appellent les autres pour l’embêter – vous parle sans arrêt des 30 000 volumes de sa bibliothèque et de ses non moins nombreuses maîtresses. -------- ? Oh, comtesses autrichiennes, veuves roumaines, matrones romaines, femmes délaissées d’industriels allemands, et bien sûr, toutes les putains de Budapest qui tombent en pâmoison dès qu’on parle d’Henry ‘Mikki’ Fleury. "

MIEL : " Looww-rance ? C’est un de ? "

TOBY : " M-m. Un type que tu dirais qu’il est le beau-fils d’Aristippe de Cyrène ; puis tu réfléchis, et finalement ça doit bien être le fils naturel de Diogène de Sinope ! Un type tout à fait incynifiant... "

MIEL : " Mais encore ? "

TOBY : " Tu verras bien par toi-même. LUI, c’est un fait certain,

élémentaire de sentir sur sa poitrine une couleur et une matière différente le matin et l’après-midi ressent la différence antique entre la lumière du matin et celle de l’après-midi mieux que celui qui, " ne se préoccupant pas de la mode " (auch eine Tugend ?), s’extasie sur du concret mythique, selon les bacchanales arrivistes des précepteurs allemands, sur papier. La mondanité est une religion religieuse de nos jours encore, dont le principe repose sur la nature (les saisons !) et les rites qui en découlent. Par rapport à cet ensemble d’actes passionnés, comme toute la pédanterie allemande " Urnatur " et " Ursymbol ", sentiment de vengeance IMPUISSANTE de la poésie et de la philologie avortées, est un stérile bla-bla d’adolescent ! Mais on s’écarte de notre sujet... "

LO (admiratif :) " Henry n’aurait pas mieux dit ! Bon, il serait temps de ? ? ? ? Nomdedju !"

il plaît aux femmes. Curieusement... -------- ? Oh, non : un p’tit gros qui rit très fort. Her-CUL-les Poiros qui s’est jamais remis de la fuite de Clitoris Sodomos, sa première femme ! ----------- Oh ! Et Grabi qui doit m’attendre pour le ping-pong ! Quelle tête de linotte ! "

MIEL : " Le troisième, je suppose ? "

TOBY (gros soupir :) " Ouichh ! Parfois, je voudrais trouver l’élixir qui rend jeune... " (Complètement partie, elle arrache paresseusement une touffe d’herbe à chaque adjectif prononcé ) : " Pudique – très orgueilleux – distrait – sale caractère... " (Se relève subitement – la tête qui tourne, forcément !) : " Tu sais ce qu’il m’a dit, hier, quand on jouait au ping-pong ? Oh : que jouer avec moi lui faisait comme si ‘mon ombre dansait au bord du printemps’ ! ! ! "(Gros gros soupir ) : " Il a eu une vie malheureuse, tu sais ; même que le mot <surréalisme>, c’est lui qui l’a inventé ; enfin, pour moitié. " (Songeuse) : " Avant qu’on se quitte, hier soir, il m’a dit que pendant ces quelques jours-ci, je devais écouter Fred Delius, que ‘la fin de l’été est, le saviez-vous, par excellence LA saison de <Briggy fair>’. ---- Ooh, toute la nuit. Ce devait être un mouzieu gentil comme Grabi, ce Delius. --------------- Qu’est-ce que tu as ? Ton coeur ?"

Des hurlements d’enfants proviennent de la mare. Les deux se retournent ; Miklos inquiet, Lo à l’aise. On voit d’abord sortir une sorte de cornet de frites de l’eau, puis des cheveux blancs, puis une tête, le tout recouvert d’algues. Une voix perçante crie " Magnum tripudium ! Festa stultorum ! Coena Schmidtriani ! "

LO : " Noooon ! Pas lui ! "

MIKLOS (" Mon héros ! " ) : " Maître ! Prenez place pour sécher vos écailles de saurien préhistorique ! "

FRIAR JOHN : " Merci, mon bon. Vous m’êtes sympathique. " (Regard froid à Lo : ! ! : " Que je te l’hypnotise ! ")

LO : " Tu sais que ça ne marche pas avec moi, animal bardique ! " (S’adresse aux animaux nautiques & touristiques de la mare) : " Mesdames et messieurs : Friar John ! Le seul homme mort ou vivant à croire que le roi Arthur reviendra ! "

< Comme Agathias me pressait vivement de donner mon opinion relativement – hum, ce terme fait pleurer de joie les admirateurs des traductions françoises de Poe – aux performances scéniques de Master Baiter, je me vis - malgré moi, je l’avoue, car je ne suis pas homme à emportements - emporté dans une tirade qui se concluait par ces termes : " Oh oui, Julius ! Cela-là qui se nommait Friar John ; oui, celui-là fut grand acteur. Et Dieu sait jusqu’à quelle hauteur la Renommée aurait pu porter son nom s’il avait embrassé la carrière de comédien au cinéma parlant et/ou muet >

FRIAR JOHN : " Vos sarcasmes passent sur moi comme le vent glacial de mon pays ! ------ Je vous propose de me faire visiter la petite villa que vous avez louée, de me donner le gîte et le couvert. " (Renifle ; grommelle, satisfait " M-m, tu es venue ", puis se ressaisit ) :   " Après quoi, je serai à même de me mesurer en combat singulier contre l’animal mythologique connu sous le nom de EGG & Marwenne ! " Il danse une petite gigue de son invention & récite :

" EGG alone my perfect image bears,

Mature in dullness from his tender years ;

EGG alone of all my sons is he

Who stands confim’d in full stupidity.

The rest to some faint meaning make pretence,

But EGG never deviates into sense. "

 

 

À SUIVRE…

N.d.l.r : notre Offenbach de la critique nous indique qu’on peut le joindre à l’adresse suivante :

[email protected]